Dire qu’Hatem M. Elnemr est né en face d'un piano est certes exagéré, mais pas autant que l’on pourrait le croire, puisque c’est à l’âge de trois ans que son grand-père remarque sa fascination précoce pour un petit clavier électrique Casio et pour les sons qu'il en tire. Il lâche à l’oreille de son père: “Ton fils sera musicien.”

L’observation ne sera pas prise à la légère, puisque son père n’aura de cesse d’encourager sa curiosité et l’inscrira, dès l’âge de cinq ans, avec un professeur de piano privé. Il vaut la peine de mentionner l’encouragement de sa mère à lire William Shakespeare, Molière et la riche littérature Égyptienne et littérature Arabe.


L’apprentissage de la musique par l’oreille et la mémoire se doublera par celui de la lecture, du répertoire classique et de la technique qu’il exige. Encore faut-il le dire, ceci se passait en Egypte, au Caire, il y a plus de quarante ans. Comme tout est dans tout, et le monde foutraquement petit, le président en fonction en ces temps-là, Monsieur Hosni Mubarak, aura eu la possibilité d’entendre le jeune pianiste, dans l’hôtel résidentiel, en la ville de Sharm el Sheikh, en Egypte, le pays des Sphinx et des Pyramides, au bord de cette incroyable Mer Rouge, qui accueillit, ormis les notes magiques de Hatem, nombre de conférences internationales.


Il faut dire que Nat Adderley et son Work Song avait sonné le rappel du pianiste, à treize ans déjà.


Quittant le plateau du Golan, le chemin de Hatem passe ensuite par l’Arabie Saoudite et Riyad, où il exerce, comme professeur et concepteur de programmes d’études, au sein de “Music House”, un partenaire de l’Associated Board of the Royal Schools of Music – London. Ajoutez à cette activité celle de compositeur de musiques de publicité, de chansons, de films, ainsi qu'une pratique intensive du piano et de divers instruments traditionnels - jusqu’à huit heures par jour avoue-t-il - et vous obtiendrez un premier portrait, trop rapidement exquissé, du Hatem qui s’installe à Coppet, la quarantaine passée, et s’inscrit dans le cursus de l’école AMR-CPMDT.


"Pour moins de guerre il faut  plus de musiciens.”



Il faut dire que Nat Adderley et son Work Song avait sonné le rappel du pianiste, à treize ans déjà, alors que le jazz n’était guère populaire en Égypte. Le voici inscrit à quarante quatre ans dans ce curses d'école, parmi une volée d'élèves bien plus jeunes que lui. “L’AMR a changé ma vie. J’y ai été accueilli avec une ouverture, une chaleur et des amitiés rares. Il n’y a pas d’endroit équivalent en Europe.” Il y étudie, saluant le précieux de ce qui y est enseigné. Shems Bendali: “Oser la trompette, qui me fascinait...”, Ohad Talmor: “... rend accessibles et simples des concepts compliqués de composition...”, Matthieu Rossignelli: “Penser le jazz, construire un solo...”, Maurizio Bioda: ”Très simplement, vivre le jazz...”.


“Si tu veux rêver, va dormir. Si tu veux être musicien, va travailler.”


 

Sur notre monde présent, incertain et menaçant, il commente: “Dans le monde actuel, les musiciens sont littéralement des anges sur terre - il dit “angels”. "Pour moins de guerre il faut simplement plus de musiciens.” D’une ambition tranquille, qui force le respect, à la question posée sur son futur musical, il répond dans un grand sourire: “Je vise un Oscar de la musique.” À la demande d’un conseil judicieux pour de jeunes musiciennes et musiciens: “Tu peux apprendre toute ta vie. J’ai quarante-sept ans et les élèves de l’école en ont vingt. Les échanges sont infiniment riches, elles et ils sont comme mes petites soeurs et frères.” Un second conseil surgit, après une pause et un sourire malicieux, à déchiffrer et méditer comme un aphorisme Zen: “Si tu veux rêver, va dormir. Si tu veux être musicien, va travailler.”

On devine pourtant une infinité d'étoiles brillant dans ses yeux rêveurs... 

Cet article est paru dans la revue de l'AMR Viva La musica